Travail en restauration : les raisons de la désertion des employés

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En 2022, le taux de vacance de postes dans la restauration a atteint un niveau inédit, dépassant 10 % selon la Dares. Les annonces restent en ligne plusieurs mois sans trouver preneur, malgré une forte reprise d’activité.Certaines enseignes proposent désormais des primes à l’embauche ou des horaires aménagés, sans parvenir à stabiliser leurs équipes. Les chiffres confirment une accélération du turnover et une baisse des vocations, mettant en lumière une transformation profonde du rapport au travail dans le secteur.

Pourquoi la restauration ne fait plus recette auprès des employés ?

Le secteur de la restauration fut longtemps le point de départ pour des milliers de jeunes en quête d’un premier emploi. Aujourd’hui, ce n’est plus le passage obligé qu’il était. Après des années à jongler avec des plannings déstructurés et des équipes souvent trop réduites, le secteur a perdu de son attrait. Les restaurateurs galèrent à recruter, et ceux qui tiennent la baraque un temps finissent par lâcher prise, lassés par l’absence de coupure nette entre vie au travail et vie à la maison, et par le rythme effréné dicté par l’enchaînement des services.

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Avant d’aller plus loin, il faut poser les motifs d’une désaffection profonde, évoqués encore et encore par celles et ceux qui désertent la profession :

  • Une reconnaissance qui brille par son absence
  • Des salaires à peine supérieurs au SMIC
  • Une pression constante, en salle comme en cuisine
  • Des conditions physiques et mentales redoutables

La nouvelle génération arrive avec des diplômes et une toute autre vision du travail. Finis les sacrifices de week-ends à répétition et la flexibilité à sens unique. Ce qui semblait un tremplin en France par le passé doit désormais composer avec une exigence de sens, d’équité, et de véritable respect.

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Résultat : le recrutement vire à la course d’obstacles, surtout pour les postes en salle et en cuisine. Depuis la pandémie, beaucoup de professionnels ont rejoint des secteurs jugés plus fiables, avec une autonomie mieux garantie. Les restaurateurs multiplient les annonces, modifient les plannings, proposent des primes… mais la file des candidats reste désespérément courte. Le regard sur le travail s’est déplacé, et la restauration se retrouve en première ligne d’un bouleversement qui la dépasse.

Chiffres et réalités : ce que révèle la pénurie de main-d’œuvre

Le secteur de la restauration encaisse un choc sans précédent. Près de 250 000 postes vacants s’accumulent en 2023 dans les métiers de l’hôtellerie-restauration en France. On le constate tous les jours : certains restaurants n’ouvrent plus le mardi midi, d’autres raccourcissent leur carte par manque de renforts pour tenir la cadence en salle ou en cuisine.

Du côté du turnover, les chiffres frappent fort. Dans la restauration rapide, la moitié des salariés s’en va avant d’atteindre un an d’ancienneté. Pourquoi tenir si la paie ne suffit pas, que la fatigue est omniprésente et que la stabilité semble inaccessible ? Beaucoup cèdent aux recruteurs qui proposent mieux ailleurs, ou qui garantissent au moins des horaires fixes et une rémunération plus honnête.

Une large enquête nationale montre que 58 % des établissements du secteur reconnaissent avoir des difficultés de recrutement qui ne faiblissent pas. Cette proportion grimpe davantage encore dans les zones touristiques ou durant les périodes estivales. La période de la crise sanitaire a mis fin à de nombreux parcours : beaucoup de saisonniers, autrefois fidèles, se sont réorientés, tous n’envisagent pas de revenir et le casse-tête ne fait que s’aggraver pour les employeurs.

Même la France, qui fait rayonner sa cuisine dans le monde entier, se heurte à cette nouvelle donne. La désertification du secteur s’installe et oblige toute la profession à revoir l’organisation comme les ambitions à moyen terme.

Des causes multiples, des solutions à inventer : comprendre la désertion

Ce retrait massif des salariés ne tombe pas du ciel. Il s’explique par une accumulation de facteurs, chaque service amenant son lot de contraintes. Horaires irréguliers, fatigue, douleurs liées aux gestes répétés : tous pèsent lourd face à d’autres secteurs qui promettent un équilibre autrement plus réaliste.

Le marché du travail bouge, lui aussi. Les métiers axés sur le bien-être au travail séduisent les profils mobiles. La récente réforme de l’assurance chômage a ajouté de l’incertitude : contrats courts, faible durée minimale de travail, tout cela incite les saisonniers à viser plus stable, plus prévisible.

À cela s’ajoute une organisation du travail trop rigide pour séduire aujourd’hui, et une formation initiale qui peine à préparer les nouveaux venus aux explosions de rythme et à la dureté du quotidien. Dans certains cas, des discriminations à l’embauche freinent également l’arrivée de profils issus de la diversité, ce qui prive la profession d’un vivier de talents précieux. Beaucoup éprouvent enfin un vrai manque de perspective : sans formation continue, sans encouragement pour progresser, la porte de sortie finit par paraître évidente.

Des voix s’élèvent pour réinventer la dynamique. L’amélioration des conditions, l’investissement dans la formation à long terme ou l’introduction de nouveaux outils numériques ne suffiront pas, tant que les fondamentaux de la relation au travail ne bougent pas en profondeur. Il ne s’agit plus seulement de gérer la relève : la restauration doit se réinventer, ou accepter de rester à court de bras.

cuisine épuisement

Vers un secteur plus attractif : pistes et initiatives qui redonnent espoir

Le manque de main-d’œuvre chronique pousse certains patrons à tester de nouvelles approches. Certains modèlent les plannings pour offrir davantage de répit, d’autres instaurent timidement la semaine de 4 jours, histoire de reconquérir des équipes épuisées. On ne rechigne plus à parler d’équilibre entre le temps de travail et le temps pour soi : le sujet quitte les marges et entre dans les acquis à défendre.

D’un autre côté, la question du logement pour saisonniers reprend sa place : offrir un hébergement temporaire dans les zones touristiques limite la fuite des talents, surtout en haute saison. Quelques établissements ajoutent à cela des repas offerts ou divers avantages, pour fidéliser leur personnel dans la durée. Un mouvement de fond s’amorce : la transition numérique se fait sentir à travers la digitalisation des réservations, l’automatisation des tâches administratives et les outils nouveaux pour repérer les candidats, notamment via les réseaux sociaux.

Voici quelques exemples de transformations concrètes qui viennent redonner de la respiration à ce secteur :

  • Un cadre de travail repensé pour le bien-être des équipes
  • Des dispositifs pour monter en compétences et évoluer
  • Des plannings mieux gérés et plus transparents
  • Des liens renforcés avec les agences d’intérim pour compléter les effectifs

Les collectifs professionnels, à l’image de l’UMIH ou du GNI, multiplient les initiatives pour remettre la profession sur des rails solides et la doter de nouvelles perspectives. Leur enjeu : restaurer la fierté, donner envie de s’engager, redonner à la salle comme à la cuisine tout leur pouvoir d’attraction.

Demain se construit sans garantie mais avec cette injonction réjouissante : bousculer l’existant pour inventer autre chose. Et si le plus enthousiasmant restait à écrire pour les équipes comme pour les clients ?