
Un débiteur insolvable possédant plus de 5 millions de dollars de dettes n’est pas condamné à la faillite pure et simple. Une voie juridique distincte existe, qui échappe au régime général de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité. Certaines procédures prévues par ce dispositif autorisent, dans des circonstances précises, la suspension automatique des poursuites de créanciers, sans qu’ils aient leur mot à dire, du moins au départ. Les juges canadiens disposent d’une marge d’appréciation considérable, ce qui aboutit à des réponses très différentes d’un dossier à l’autre. Quant aux détenteurs de titres garantis, leur statut n’est pas toujours synonyme de priorité absolue lors des paiements : la hiérarchie évolue au fil des décisions de justice.
Plan de l'article
- Comprendre la LACC : origines et rôle dans le paysage juridique canadien
- À qui s’adresse la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies ?
- Quels sont les droits et obligations des entreprises et des créanciers concernés ?
- LACC au Canada : enjeux pratiques et impacts sur les procédures de restructuration
Comprendre la LACC : origines et rôle dans le paysage juridique canadien
La Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) s’est imposée comme un pilier du droit canadien des affaires. Adoptée en 1933, elle visait à offrir aux entreprises une issue ordonnée en cas de difficultés majeures, évitant le chaos d’une liquidation brutale. Depuis, la LACC a connu plusieurs évolutions, s’adaptant à la transformation de l’économie canadienne et aux nouvelles réalités financières. Le texte encadre désormais de façon plus précise les droits de chaque partie.
La procédure d’insolvabilité prévue par la LACC confie au tribunal un pouvoir d’appréciation étendu. Celui-ci doit se prononcer sur la nature de chaque réclamation : s’agit-il vraiment d’une dette, ou plutôt d’une créance sur capitaux propres ? Cette distinction est loin d’être anecdotique. Depuis la réforme de 2009, la notion de créance sur capitaux propres déborde largement des actions pour englober bons de souscription, options et tout droit d’acquérir une action. Résultat : la LACC place systématiquement ces créances derrière celles des créanciers ordinaires. Les actionnaires, eux, patientent. Leur tour ne vient qu’après remboursement intégral des dettes.
Pour mieux saisir les spécificités de la LACC, voici les points clés sur lesquels repose le dispositif :
- Le tribunal analyse la nature exacte de chaque créance dans le cadre de la procédure.
- La LACC cherche à trouver un équilibre entre maintien de l’activité et garanties pour les créanciers.
- Dans la hiérarchie des paiements, la dette passe avant le capital propre : priorité aux créanciers, les actionnaires attendent leur tour.
L’un des atouts majeurs de la LACC : sa capacité à s’adapter, au cas par cas, à la structure et à la situation de chaque entreprise. Cette flexibilité ouvre la porte à des solutions sur mesure, parfois inédites, face à des cas d’insolvabilité complexes.
À qui s’adresse la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies ?
Le public visé par la LACC est clairement défini. Seules les sociétés par actions peuvent y prétendre, laissant de côté les particuliers, sociétés de personnes et organismes sans but lucratif. Lorsqu’une entreprise traverse une période critique, la LACC permet d’engager un plan d’arrangement négocié avec l’ensemble des créanciers. Ceux-ci se répartissent en catégories distinctes selon le type et le classement de leur créance ; chaque groupe doit approuver toute proposition de règlement à la majorité requise.
Au-delà de la compagnie débitrice, d’autres acteurs interviennent. Les administrateurs ou dirigeants peuvent formuler des demandes d’indemnisation, souvent pour couvrir des risques liés à leur gestion passée. Le preneur ferme (notamment lors d’émissions de titres) et le vérificateur disposent également de droits précis, notamment en cas de préjudice subi dans l’exercice de leurs fonctions. Quant à l’acheteur d’actions accréditives, il peut réclamer une compensation s’il perd des avantages fiscaux à la suite d’une restructuration.
Voici les principales catégories d’acteurs concernés par la LACC :
- Créanciers : garantis, chirographaires, obligataires, porteurs de billets
- Actionnaires : touchés par la hiérarchie des paiements, mais classés après les créanciers
- Administrateurs et dirigeants : exposés à des réclamations et pouvant obtenir une indemnisation
- Vérificateur, preneur ferme, acheteur d’actions accréditives : chacun bénéficie de droits spécifiques en cas de préjudice
Tout au long du processus, le tribunal veille à la cohérence de la procédure et à la protection des intérêts en jeu. Chaque acteur doit évaluer son exposition au risque, adapter sa stratégie et anticiper les impacts d’une restructuration menée sous le régime de la LACC.
Quels sont les droits et obligations des entreprises et des créanciers concernés ?
Les acteurs soumis à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) évoluent dans un cadre légal strict, façonné à la fois par la législation fédérale et l’interprétation des tribunaux. L’un des dispositifs centraux : la suspension des poursuites individuelles contre l’entreprise. Ce gel temporaire offre un espace pour réfléchir, négocier et bâtir un plan de redressement. Pendant cette période, les créances sont recensées, les droits catégorisés, et l’assemblée de créanciers se prépare.
Pour les sociétés concernées, déposer une demande sous la LACC implique des engagements précis : il faut jouer la carte de la transparence sur la situation financière, dialoguer régulièrement avec le contrôleur désigné par la cour, et respecter les termes de l’ordonnance initiale. Les dirigeants sont tenus d’agir avec diligence raisonnable, en maintenant un contrôle interne rigoureux. Il leur faut aussi vérifier la robustesse des polices d’assurance souscrites avant l’apparition des difficultés : la portée de la couverture pèse lourd dans l’efficacité des clauses d’indemnisation.
Du côté des créanciers, la LACC impose la déclaration des réclamations, la participation aux assemblées et l’acceptation des choix collectifs. Les créanciers garantis bénéficient d’un statut supérieur, mais voient leurs droits gelés pendant la procédure. La différence entre dette et créance sur capitaux propres reste déterminante. Seules les dettes sont prioritaires lors du paiement ; les droits découlant de la participation au capital (dividendes, remboursement d’actions, paiements liés au rachat) n’entrent en jeu qu’après liquidation du passif.
Pour clarifier les points à surveiller, voici les principaux leviers de protection et d’action :
- Diligence raisonnable : argument de défense pour les dirigeants ayant mené toutes les vérifications nécessaires
- Clause d’indemnisation : moyen de gérer les risques, mais son efficacité dépend de la santé financière de l’entité qui accorde cette protection
- Assurance : complément indispensable pour couvrir certains risques liés à la restructuration
Face à la complexité du dispositif, l’appui d’un conseiller juridique s’impose pour tout preneur ferme, agent, administrateur ou dirigeant soucieux de sécuriser ses intérêts et de mieux anticiper ses obligations.
LACC au Canada : enjeux pratiques et impacts sur les procédures de restructuration
La LACC modifie profondément la dynamique des grandes restructurations d’entreprise au Canada. Dès la première ordonnance du tribunal, la société débitrice bénéficie d’un arrêt immédiat des poursuites individuelles : cette parenthèse permet d’installer un dialogue structuré avec les créanciers. Le contrôleur, nommé par la cour, devient alors la cheville ouvrière du processus : il supervise l’application des obligations, collecte les documents financiers récents et veille à la transparence des opérations.
Chaque étape impose la remise d’états financiers à jour ou d’un état d’évolution de l’encaisse, non comme une formalité, mais comme une règle. L’entreprise doit aussi transmettre tout document public de référence : prospectus, notes de service ou circulaire d’offre publique d’achat, selon les circonstances. Cette exigence s’inscrit dans la logique de la loi sur les valeurs mobilières, qui encadre la responsabilité civile en cas d’information trompeuse diffusée sur le marché secondaire.
Le risque de litige n’a rien d’abstrait. Un agent, administrateur ou preneur ferme qui néglige de fournir une information, ou diffuse une fausse déclaration, peut être poursuivi selon les textes fédéraux ou provinciaux. La Cour suprême du Canada a déjà rappelé la portée de cette responsabilité : apposer sa signature sur un prospectus ou une note de service engage bien plus qu’un simple rôle formel.
Les effets de la LACC dans la gestion de crise se résument en trois points majeurs :
- Gel des recours : l’ordonnance du tribunal offre un espace protégé pour négocier
- Transparence financière : les états financiers et documents clés sont transmis au contrôleur
- Responsabilité civile : tout défaut de communication expose à des sanctions sévères
Au final, la LACC n’est pas une simple planche de salut : c’est un outil de transformation qui, bien utilisé, peut offrir une seconde vie à l’entreprise… ou révéler, au fil du processus, la nécessité d’une rupture. La suite se joue, souvent, dans la capacité de chaque partie à composer avec ce régime exigeant et à saisir l’occasion de réinventer les règles du jeu.