Propriétaire de Rungis : Qui détient le marché de ce lieu emblématique ?

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Le 12 avril 2024, Savencia a finalisé l’acquisition du grossiste Ugalait, installé au marché international de Rungis. Cette opération fait suite à un accord de cession annoncé en février par les deux entreprises, spécialisées dans la distribution de produits laitiers et alimentaires.

Ugalait, acteur historique du secteur, change ainsi de mains après près de cinquante ans d’activité indépendante. Savencia, déjà présente sur plusieurs marchés européens, renforce sa position parmi les principaux fournisseurs du secteur alimentaire professionnel. Les détails financiers de la transaction n’ont pas été rendus publics.

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Le marché de Rungis, un acteur clé de l’alimentation en France

À la frontière de Paris, dans le Val-de-Marne, le marché de Rungis s’impose comme un mastodonte sans rival sur le continent. Nœud vital de la distribution alimentaire, il approvisionne la capitale et bien au-delà, orchestrant chaque matin un ballet logistique d’une ampleur phénoménale. Étendu sur 234 hectares, ce marché gère chaque année plus de 3 millions de tonnes de marchandises et dépasse les 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Fruits, viandes, poissons, fromages : la profusion règne, et l’exigence de qualité aussi.

À la manœuvre, on retrouve une entité singulière : la Semmaris. Cette société d’économie mixte, au capital largement public, pilote l’ensemble du marché. L’État possède près d’un tiers des parts, la Caisse des Dépôts en détient un peu plus, la Ville de Paris complète le trio public, tandis que des banques et investisseurs privés tiennent le reste. Ce modèle hybride conjugue volonté d’intérêt général et efficacité entrepreneuriale.

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Mais Rungis ne se limite pas à un rôle de fournisseur pour les grossistes et restaurateurs franciliens. Il s’agit du véritable cœur logistique de l’alimentation française, avec une influence qui déborde largement les frontières du Grand Paris. Sa capacité à distribuer des volumes considérables, et à proposer une diversité rare, façonne l’offre alimentaire de près de 26 pays. Rungis, c’est aussi le soutien à la production locale et le socle de milliers d’emplois. En filigrane, ce marché irrigue le quotidien de millions de consommateurs, tout en maintenant vivante la richesse des terroirs français.

Pourquoi la cession d’Ugalait à Savencia suscite-t-elle l’attention du secteur ?

La reprise d’Ugalait par Savencia fait bruisser les travées du marché. Ce changement de main résonne bien au-delà des stands laitiers. En s’emparant d’un acteur aussi implanté, Savencia redistribue les équilibres entre industriels et distributeurs, et, par ricochet, entre production locale et grande industrie.

Le sujet dépasse le simple enjeu d’approvisionnement. Derrière la transaction, c’est toute la question de la traçabilité et de l’identité des produits qui se pose. Boulangers, restaurateurs, crèmeries : tous scrutent l’avenir, inquiets de voir s’effacer la proximité avec les producteurs et la diversité des saveurs. Ugalait incarnait une relation directe avec les filières françaises, une transparence sur l’origine, un ancrage territorial. La crainte est réelle : verra-t-on la montée d’une offre plus standardisée, au détriment du caractère artisanal et du « made in France » ?

De nombreux professionnels s’interrogent aussi sur la place des fromages français et la capacité des petits producteurs à continuer d’accéder aux étals de Rungis. Certains redoutent l’effet d’une concentration accrue, qui fragiliserait les PME laitières régionales. À l’inverse, d’autres espèrent que le rachat apportera de nouveaux moyens pour innover, investir et ouvrir des marchés, tant que la spécificité des productions françaises demeure protégée. Entre promesses d’expansion et risque d’uniformisation, le secteur scrute chaque mouvement de Savencia avec vigilance.

Qui est Savencia et quel est son poids parmi les grossistes alimentaires ?

Savencia n’aime pas les projecteurs, mais son influence s’étend loin. Cette entreprise familiale a bâti son empire discrètement, depuis la Bourgogne, en misant sur l’acquisition de marques fortes et la mise en avant de fromages emblématiques. Dirigée par la famille Bongrain, elle pèse aujourd’hui plus de 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires et déploie ses produits dans plus de 120 pays.

Sa force : une implantation profonde sur le territoire, un maillage serré de sites de production et de plateformes logistiques. De la Bourgogne-Franche-Comté à l’Île-de-France, chaque région participe à la dynamique du groupe. Cette organisation permet à Savencia de servir aussi bien la grande distribution que les marchés spécialisés, dont Rungis reste la vitrine.

Dans la cour des grossistes alimentaires, Savencia joue parmi les plus grands : Lactalis, Sodiaal, Eurial ou Bel. Mais sa différence réside dans sa capacité à valoriser des produits à forte identité, du beurre haut de gamme aux fromages à pâte persillée. Sa gamme, large et qualitative, répond aux attentes des professionnels exigeants, restaurateurs ou distributeurs.

Le groupe mise aussi sur l’innovation, la formation et la fidélisation de ses équipes. Il tisse des partenariats solides avec les éleveurs, s’appuie sur des marques comme Caprice des Dieux, Saint Albray, Tartare, et maîtrise chaque étape de la distribution. Ce socle fait de Savencia un acteur incontournable pour saisir les évolutions du marché de Rungis, et plus largement de l’agroalimentaire européen.

marché alimentaire

Impacts attendus pour les professionnels et l’écosystème du marché de Rungis

Sous la halle, les regards se croisent et les discussions vont bon train. L’évolution de la propriété du marché, et la montée en puissance d’acteurs comme Savencia, pèsent déjà sur les choix stratégiques des professionnels. Chaque jour, la structure actionnariale de Rungis façonne les flux de production et de distribution, influençant autant les volumes que la nature des produits présents sur les étals.

Pour bien comprendre les enjeux, voici quelques exemples concrets des changements qui pourraient s’opérer :

  • Les grossistes spécialisés ajustent leur organisation, tentant de préserver leur réactivité face à des modèles industriels plus centralisés.
  • Les acteurs du Potager de Marianne ou de La Cabane s’interrogent sur la place accordée aux producteurs franciliens, alors que la demande de circuits courts ne faiblit pas.
  • L’intégration d’outils numériques et l’optimisation logistique pourraient offrir de nouveaux leviers de compétitivité, mais risquent aussi d’accentuer la pression sur les PME familiales implantées à Villeneuve-Saint-Georges, Saint-Étienne ou Sainte-Geneviève.

Dans ce contexte mouvant, l’écosystème de Rungis doit composer avec de nouveaux équilibres. Les attentes sont multiples : préserver la diversité des produits, garantir un haut niveau de qualité, maintenir l’accès des petits producteurs tout en accompagnant la montée en gamme. Rungis, plus que jamais, se retrouve à la croisée des chemins. Entre traditions bien ancrées et nouvelles dynamiques industrielles, le plus grand marché de gros alimentaire d’Europe joue son avenir à chaque négociation, à chaque lever de rideau sur ses étals débordant de vie.